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« Se reconvertir, c’est prendre le risque d’être plus heureux »

Faut-il se reconvertir si on veut trouver le bonheur au travail ? C’est une des pistes, mais cela demande aussi de la réflexion et du travail sur soi. Analyse avec Noëmi Panizieri, psychologue et experte en bien-être au travail.
Par Par Georges Xouras
Temps de lecture: 5 min

Peut-on définir le bonheur au travail ?

C’est tellement subjectif. Je parlerais plutôt de bien-être au travail : avoir un travail dans lequel on peut venir puiser de l’énergie, un travail qui est aussi une ressource pour nous. Ces ressources peuvent prendre différentes formes : le relationnel (les relations avec les collègues et les chefs), le contenu du travail (les tâches que l’on aime faire), les conditions de travail (l’équilibre avec la vie privée par exemple), l’environnement ainsi que la manière dont le travail est organisé et réparti.

Peut-on le quantifier ?

Il dépend d’une personne à l’autre. Ce qui est générateur de bonheur pour moi ne le sera pas forcément pour quelqu’un d’autre. C’est quantifiable individuellement : il est important de connaître ce qui nous donne de l’énergie et ce qui nous en prend aussi. Tant que la balance est positive, on est dans le bon. Le souci est quand on a des contraintes. Je veux aussi mettre en avant que pour avoir une bonne vitalité, on doit travailler sur 3 piliers : notre travail, nos relations sociales et le temps que l’on prend pour nous. L’idée est vraiment de travailler ces 3 aspects pour être heureux et avoir de l’énergie. Car chacun de ces piliers a une influence sur les autres. Et si l’un s’écroule, les deux peuvent continuer à nous porter.

Le bonheur passe-t-il par une reconversion professionnelle ?

Ce n’est pas le seul. Mais c’est un moyen d’y avoir accès ou de s’en approcher le plus près possible. Toutes les reconversions n’amènent pas forcément au bien-être. Se reconvertir, c’est prendre le risque d’être plus heureux. Il faut une anticipation positive, avoir la conviction que ça va marcher, être motivé et déterminé. Et après, il faut continuer à ajuster notre réalité de travail pour qu’elle nous convienne le plus possible. C’est un travail constant en quelque sorte.

Selon une enquête d’Acerta, un Belge actif sur trois pense à changer d’emploi et de secteur. En 2020, près de 4 Belges sur 10 pensaient à une reconversion professionnelle dans les 12 mois. Que pensez-vous de ces chiffres ?

Cela ne m’étonne pas. Ces chiffres correspondent à ceux du stress et du bien-être au travail. Car le niveau de bien-être au travail pousse souvent les travailleurs à envisager une reconversion professionnelle. Tout ce qui peut être une ressource peut aussi être une contrainte et une source de mal-être. Ces contraintes font qu’on se dit qu’il serait bon d’aller prendre de l’oxygène ailleurs et ne plus les subir.

Vouloir se reconvertir veut-il forcément dire qu’on passe le cap ? Est-ce que tout le monde en est capable ?

Je pense que ce n’est pas accessible à tout le monde, pas naturellement en tout cas. Il faut avoir la capacité d’être à l’écoute de ce qui est bon pour soi. Il faut pouvoir se débarrasser de ses peurs et de ses croyances. Pouvoir faire le bilan, et savoir s’il y a quelque chose qui nous convient. Il y a des personnes qui restent dans des situations de frustration et de souffrance toute leur vie. Une personne sur trois n’est pas heureuse au travail. Il faut être conscient de ce qui fait sens à notre vie.

Comment peut-on le faire ?

J’aime le modèle de l’IKIGAI pour ce qui concerne les choix de job et de reconversion. Un terme japonais mêlant les mots « IKI », vie, et « GAI », qui en vaut la peine. Le but est d’avoir un job qu’on aime, pour lequel on est doué, bien payé et qui contribue positivement au monde. Il est intéressant d’avoir un emploi qui nous anime, et qui nous donne envie de nous lever.

Qu’est-ce qui fait qu’on ose bouger ou pas ? Doit-on parler de courage ?

Cela peut être la peur. La peur de ne pas retrouver la même situation de travail (horaires, salaire, confort…). La croyance aussi que l’on n’est pas assez qualifié, qu’on est trop vieux pour changer de métier, qu’on n’a pas le profil demandé, que l’on n’est pas capable de passer d’un travail de bureau à un travail manuel, et vice-versa. Au-delà de la notion de courage, il y a surtout la question de la confiance et de l’estime de soi.

Peut-on envisager sa reconversion seul ou faut-il être accompagné ?

Il n’y a pas de règle écrite. On peut commencer seul et être accompagné ensuite ou le contraire. Il y a des psychologues, des coachs en reconversion, des bilans de compétence à faire pour nous aider à se dire : « qu’est-ce que j’aime, quelles sont mes compétences, où veux-je arriver » ? L’intérêt d’un accompagnement, c’est qu’un expert va pouvoir mettre des nuances dans ces peurs et ces croyances qui nous bloquent, et ainsi ouvrir la réflexion et augmenter son champ de vision.

À propos

Diplômée en psychologie clinique, Noëmi Panizieri a débuté sa carrière dans la prévention des risques psychosociaux. En 2015, elle prend la tête du département psychosocial d’un service externe de prévention et de protection où elle est chargée de développer la stratégie, la vision et de les implémenter au sein des équipes. Depuis 2018, elle a décidé de renouer avec le terrain en se lançant le défi de faire bénéficier les entreprises de son expérience et son expertise sous le statut d’indépendant.

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