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Passer du télétravail au travail hybride nécessite un management humain

En juin 2021, durant la crise sanitaire, trois scientifiques de l’UCLouvain et de l’ULiège croisaient leurs regards sur les aspects positifs et négatifs du télétravail dont le Covid-19 avait brutalement accéléré la diffusion. Leurs conclusions ont-elles évolué ces trois dernières années ? Quelles nouvelles formes de travail ont été induites durablement ?
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Dans un numéro spécial de la revue Regards économiques, Jacques-François Thisse (UCLouvain), économiste, Laurent Taskin (UCLouvain), professeur de management, et Isabelle Hansez (ULiège), psychologue, se demandaient si le télétravail, qu’entre 40 et 60 % de Belges ont pratiqué durant la crise sanitaire, était une solution d’avenir ou un boom éphémère ? Soulignant la probabilité que cette pratique s’intensifie durablement et que l’on ne revienne pas à la situation « pré-covid », les trois scientifiques analysaient les conséquences de cette intensification du télétravail dans une approche interdisciplinaire.

En croisant leurs regards, ils adressaient aussi des recommandations aux employeurs, aux salariés et aux décideurs politiques. Pour Laurent Taskin, professeur à la Louvain School of Management (UCLouvain), l’épidémie a constitué une occasion d’expérimenter de nouvelles formes de travail et l’enjeu organisationnel et managérial clé de l’après-covid sera de réinventer de nouvelles routines de travail autour de la présence, là où c’était la distance qui était régulée avant la crise Covid.

Faire des activités porteuses de sens

Aujourd’hui, celui qui termine la rédaction d’un ouvrage à paraître prochainement sous l’intitulé Télétravail, d’une pratique de flexibilité à un mode de vie, estime que, « plus que jamais, afin de préserver et de valoriser l’innovation, la créativité et la socialisation, il convient de passer d’une régulation de l’absence individuelle à une régulation de la présence collective. Depuis 25 ans, les conventions collectives de travail régulent les jours d’absence individuelle. Il est tellement plus stimulant, d’un point de vue managérial, de gérer la présence collective au travail, de déterminer quand être ensemble au même endroit, pour faire quoi et quelles activités sont porteuses de sens. »

Et l’enseignant de poursuivre : « On n’est plus seulement sur la prise en compte d’un bien-être individuel, mais aussi sur celle d’un bien-être collectif. Comme le montre la récente étude de SD Worx, la proximité des travailleurs et travailleuses est indispensable pour l’innovation et l’apprentissage des uns et des autres. »

En 2021 déjà, Laurent Taskin parlait de réinventer l’entreprise comme une communauté de travail, « un collectif qui est plus qu’un réseau d’individus et la somme de leurs contributions ». S’appuyant sur la notion de déspatialisation – où l’absence est régulée par des conventions et des pratiques de management à distance et où le sens du travail est mis à mal – Laurent Taskin rappelle l’importance de pratiquer un Management Humain « au service de la reconnaissance des collectifs, du travail et des personnes. Des ingrédients qui contribuent à produire le sens du travail. »

L’entreprise comme projet commun

Aujourd’hui, le constat de l’enseignant est clair : « le travail est devenu hybride, de manière structurelle, y compris dans des organisations où le télétravail n’était pas ou peu pratiqué. Cela bouleverse l’organisation du travail. À court terme, les modalités de coordination doivent être repensées ».

À moyen terme, il s’agit de revoir la qualité de la collaboration et le rapport au travail. « Un contact distendu avec l’organisation demande d’autres régulations pour préserver et raviver l’entreprise comme projet commun. Dans de nombreux cas, le management est considéré comme seul responsable de la cohésion d’équipe, de la bonne collaboration et du bien-être des individus. À coups de formations au leadership, au management à distance, certaines entreprises pensent avoir mis en place une nouvelle forme d’organisation, dite de la confiance ou collaborative. Dans les faits, cependant, sans balises organisationnelles claires sur ce qu’il est normal d’attendre en matière de collaboration et donc aussi de présence collégiale, il a été montré que le management s’épuise et les collectifs s’atomisent. » Laurent Taskin plaide donc pour que des projets de transformation majeurs, à préparer comme tels, permettent l’émergence d’une organisation agile, collaborative et d’un management de la confiance ou encore humain.

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