Ingénierie

Mieux faire connaître le métier d’ingénieur

Les formateurs, les entreprises et les fédérations le disent depuis plusieurs années : la Belgique manque d’ingénieurs. Quelles sont les raisons et quelles sont les pistes d’amélioration ? On a posé la question au Professeur Frédéric Robert, Doyen de l’École polytechnique de Bruxelles.
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Le professeur Frédéric Robert souhaite féminiser et démocratiser le métier d’ingénieur.
Le professeur Frédéric Robert souhaite féminiser et démocratiser le métier d’ingénieur. - DR

Comment peut-on définir le métier d’ingénieur ?

Je le définis comme quelqu’un qui résout des problèmes scientifiques et techniques. C’est cela avant tout. On insiste sur le côté scientifique car c’est une formation universitaire et on n’est pas juste dans la technologie, on est aussi dans la compréhension des phénomènes. Et on est connecté à la recherche puisque les enseignants sont des chercheurs. Le métier d’ingénieur mobilise plein d’aspects : des connaissances techniques et scientifiques mais aussi la gestion de projet, la communication, la responsabilité individuelle. Et c’est à cela qu’on forme les ingénieurs.

Est-ce que c’est assez compris par le grand public ?

Non, c’est une notion qui reste floue car il n’y a pas de sciences de l’ingénieur en secondaire. Il y a des maths, de la physique, de la chimie, de la technologie… mais tout cela reste complètement séparé, dans des disciplines différentes. Pour nous, et je pense parler au nom des autres doyens, c’est une de nos préoccupations : faire comprendre au grand public ce qu’un ingénieur fait. L’image qu’on a souvent, c’est qu’on fait politech si on est bon en maths et le public a la vision d’un travailleur avec un casque et une blouse blanche. Mais ce n’est pas ça. C’est d’abord quelqu’un qui a la capacité d’analyser un problème, le reformuler correctement, puis à le décomposer en sous-problèmes. Quand on a fait ça, on a fait la moitié du travail. C’est vraiment une compétence à laquelle on s’entraîne. Notamment en faisant des mathématiques, mais pas seulement.

Il manque 500 ingénieurs par an en Belgique et notre pays aura besoin de 15.000 ingénieurs dans les prochaines années selon la FABI (Fédération d’associations belge des ingénieurs). Comment expliquer cette pénurie ?

Outre la notion floue du métier, on vient peut-être d’une époque de technologie et de consommation à outrance. On associe les ingénieurs aux grosses industries, à un monde très extrême. Ce n’est plus vrai mais cela peut être une raison qu’un certain nombre de jeunes se disent : « je ne veux pas travailler pour une multinationale qui fait du pétrole ». La pénurie touche en tout cas tous les secteurs : les ingénieurs sont toujours recherchés, peu importe leur spécialisation.

Quelles sont les pistes pour répondre à cette pénurie ?

Nous sommes en train d’évoluer là-dessus et cela fait partie de nos réflexions : les ingénieurs sont aussi des personnes qui vont apporter une solution à la transition énergétique. Un autre élément qui me tient à cœur, c’est la féminisation. C’est un métier très masculin au départ mais nous avons 25 % d’étudiantes en BA1 pour la première fois. Et en Master, on est même à 30 % de femmes. Si on veut plus de personnes qui choisissent cette filière, un des éléments les plus évidents est d’attirer plus de femmes. Chaque fois que je prends la parole en tant que doyen, j’explique aux jeunes filles que c’est un métier pour elle. On travaille aussi avec la FABI et les autres doyens pour envisager notamment une campagne d’image, mieux expliquer en quoi consiste le métier, notamment en secondaire. Arriver à leur montrer ce qu’est le métier et expérimenter : analyser un problème de A à Z et trouver la solution. Et se dire que c’est possible.

Susciter des vocations donc et attirer les jeunes d’aujourd’hui ?

On doit changer l’image « ingénieur = mathématiques ». C’est aussi un métier créatif et empirique. Nous devons aussi réfléchir à nos programmes, essayer qu’ils soient plus attrayants, en phase avec la jeunesse actuelle. Il y a des sujets qui les interpellent comme l’égalité des genres, la transition énergétique… Ils nous demandent des comptes. On est dans une réflexion structurelle. Par exemple, autant l’historique est lié à la technologie, autant on commence aussi à reconsidérer des options comme le low tech. On peut aussi être très créatif avec ça. La solution pour un ingénieur n’est pas forcément la plus sophistiquée, elle peut aussi être intelligente et très économique.

Un jeune intéressé aujourd’hui par une formation d’ingénieur, qu’est-ce qu’il doit faire ?

Le plus simple est de contacter les facultés et de participer à une journée portes ouvertes à l’université. Il y a aussi les salons SIEP (NDLR : salons qui informent sur les études, formations et métiers), il y a des ateliers, le Printemps des Sciences… Ce que je conseille toujours aussi, c’est d’essayer de trouver quelqu’un dans son cercle d’amis ou de proches qui a fait ces études-là et de lui poser des questions. Et ne pas s’arrêter aux images et aux idées préconçues : tout le monde peut se lancer dans ce métier.

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